Complexité et dialogue régional : La Table régionale de concertation en immigration de la région de la Capitale-Nationale – De la concertation à la cocréation

Cet article présente une démarche d’accompagnement de la concertation à laquelle Grisvert a été associé étroitement durant trois ans. Avant de se joindre à l’équipe de Grisvert, Marie-Jules Bergeron était à l’époque responsable de ce dossier à la Conférence régionale des élus de la Capitale-Nationale. Elle a donc le plaisir de partager son expérience à la fois comme cliente de Grisvert lors de cette démarche mais aussi, comme consultante accompagnatrice de tels processus de concertation. 

En quelques mots

Créée en janvier 2007 par la Conférence régionale des élus de la Capitale-Nationale, la Table régionale de concertation en immigration regroupe plus de 35 organisations, ministères et représentants du monde municipal. Elle a comme principaux mandats de conseiller la CRÉ en matière d’immigration sur son territoire, de se doter et de mettre en œuvre un Plan d’action découlant des objectifs déterminés dans l’entente spécifique signée entre la CRÉ et les différents ministères impliqués dans le dossier de l’immigration. Cette entente est bien entendu assortie de fonds permettant le soutien de projets développés en immigration sur le territoire de la Capitale-Nationale.

C’est en 2009 que Grisvert a, pour la première fois, été appelé à travailler avec la Table Immigration. Lors de cette première intervention, il s’agissait de faire le bilan de la première entente spécifique entre la CRÉ et les ministères ainsi que de réfléchir aux objectifs de la nouvelle entente à venir.

Cette rencontre, très mobilisatrice a permis de débuter un processus de changement de culture à la Table. D’un lieu d’échange et de suivi où la concertation ne prenait dans les faits que très peu de place au profit de l’information, la table est devenue au fil des années et des interventions, un réel lieu de cocréation autour des enjeux et défis vécus par ses membres.

Nous vous résumons ici, ce long processus!

Principaux défis

Suite aux deux journées de réflexion de 2009 tenues en mode collaboratif avec la Table et surtout, suite à l’enthousiasme et la mobilisation générés à ce moment, il est vite apparu que l’un des grands défis auquel la Table devait rapidement faire face était celui de maintenir la mobilisation.

Ainsi, comment quand tout un chacun retourne chez soi, dans ses dossiers et son horaire surchargé, maintenir « le feu » et l’engagement? Aussi, comment créer de la collaboration entre des organismes qui ultimement, se retrouvent en concurrence pour obtenir un financement de plus en plus maigre et rare? Et donc, comment créer et cultiver une réelle culture de la collaboration en dehors des moments très ponctuels que représentent les rencontres usuelles, les forums, les journées de réflexions et les autres sommets ?

La démarche

La démarche s’est déroulée sur trois ans et se continue encore. Dès les premières journées de réflexion de 2009, il est devenu clair que la structure même des réunions courantes de la Table devait être modifiée. De simples modifications mais qui apporteraient un signal clair quant à la volonté que cette Table ne soit plus celle de la « CRÉ » mais celle de ses membres. C’est ainsi que de plus en plus, les membres de la Table se sont appropriés l’ordre du jour des rencontres pour pouvoir en faire un réel lieu de partage de leurs enjeux et problématiques. De ces échanges ont pu naître des projets pilotes conjoints, à l’extérieur des cadres de financement habituels où tout un chacun a pu contribuer afin d’expérimenter de nouvelles façons de faire.

Aussi, lorsqu’en 2011 il est venu le temps de doter la nouvelle entente d’un plan d’action, il était naturel de tenir à nouveau deux jours de travail afin de coconstruire celui-ci. Alors que la première entente avait été négociée entre fonctionnaires et que le plan d’action en découlant avait été rédigé suite à une consultation traditionnelle par questionnaire, la deuxième mouture de l’entente et du plan d’action ont été créés entièrement avec les quelques 35 organisations membres de la Table. Est-il besoin de spécifier que le sentiment d’appartenance des intervenants était autrement plus élevé à ce moment qu’au départ en 2009?

Mais restait entière la question du financement des projets où tous allaient une fois de plus se retrouver en compétition pour les maigres ressources disponibles mais avec pourtant les mêmes enjeux, les mêmes milieux où intervenir et parfois, les mêmes idées. Comment réellement concerter dans un pareil contexte? Comment être congruent et cocréer de A à Z, des objectifs de l’entente au financement des projets?

C’est ainsi que cette question complexe a simplement été soumise…à la Table. Et que lors d’une journée de travail collaboratif, une nouvelle structure de support aux organismes et aux projets a été créée. Une structure obligeant le développement de projets en partenariats, ne mettant pas les organismes en compétition les uns avec les autres mais plutôt leur offrant la possibilité de développer des projets plus ambitieux et mettant à profit les ressources de chacun. Plus de « saupoudrage » ni de compétition. Un réel changement de paradigme.

 Les résultats

D’une table de concertation qui n’avait de concertation que le nom puisqu’il s’agissait plutôt d’une table d’information et au mieux de consultation, celle-ci est devenue un réel lieu de concertation et de cocréation. Un lieu où les participants ont tranquillement délaissé la compétition au profit de la coopération. Où d’une logique « top down » dans laquelle les orientations provenaient de la CRÉ ou des ministères, une transition s’est effectuée vers un mode beaucoup plus « bottom up ». Un climat de confiance entre les différents représentants des ministères et le milieu a pu ainsi se développer. Mais surtout, le travail collaboratif fait au fil des années a su permettre l’instauration d’un climat de confiance entre les divers intervenants du milieu.

Aussi, concrètement, la dynamique de développement de projets a pu être totalement modifiée. D’un modèle où tout un chacun cherchait à développer des projets correspondant aux critères du programme de financement « de l’heure » et ainsi, voir plusieurs petits projets sans continuité les uns avec les autres se développer sans cohérence, les projets soutenus ont pu prendre plus d’ampleur, se partager les ressources des différents partenaires impliqués et de cette façon, avoir plus d’impacts dans le milieu.

Il est donc possible, avec du temps et des interventions ciblées, de modifier la dynamique de concertation et de mobilisation de tout un milieu. Cela prend du temps, de la patience et surtout de la confiance mais les résultats tant au niveau de l’efficacité que de la mobilisation, valent pleinement les efforts! Tout au long de ce processus, Grisvert a pu accompagner la CRÉ tant dans le design et l’animation des journées de réflexion que dans le coaching de l’animation de plus petites rencontres.

Témoignage

La création de la Table de concertation en immigration de la Capitale Nationale en mars 2007 démontrait une volonté de mobiliser le milieu face à cet enjeu. La région vivait une nécessité économique reliée à l’immigration puisqu’elle connaissait déjà une rareté de main-d’œuvre dans des secteurs en pleine croissance. Une dualité pour cette région où jusqu’à présent tous les services en immigration avaient été pensés et déployés pour répondre aux besoins spécifiques d’individus vivant des problématiques d’intégration et dont l’emploi devenait une solution d’intégration. La clientèle immigrante était alors formée en grande partie d’immigrants réfugiés dont les problématiques personnelles dépassaient largement les difficultés d’intégration en emploi. Choc de culture également car maintenant un discours économique, de support à la croissance des entreprises et de création de richesse venait s’insérer et où l’immigration devenait une solution à la rareté de main-d’oeuvre. Musique à l’oreille des organismes à vocation économique mais crainte pour les organismes à vocation communautaire. La Table se retrouvait devant une dualité et des perspectives différentes pour la trentaine d’organismes formant la Table.

Rapidement celle-ci s’est penchée sur un modèle de fonctionnement. La coordonnatrice de la Table, Madame Marie-Jules Bergeron de la CRECN [aujourd’hui conseillère en concertation chez Grisvert], a mis en place une approche collaborative permettant aux différents acteurs de trouver des enjeux communs et développer des pistes de solutions partagées. Rapidement le discours des membres est passé du « je » au « nous ». Les critères d’évaluation des projets ont également évolué favorisant les projets collaboratifs plutôt que ceux rattachés à une seule organisation. L’approche préconisée par Mme Bergeron a permis des échanges riches et profonds mettant de l’avant l’évolution régionale et valorisant un continuum de services performants. La Table de concertation est maintenant reconnue comme un modèle d’intervention au Québec. L’approche collaborative a permis une meilleure connaissance du rôle de chacun et des interventions concertées.

– Line Lagacé, Vice-présidente – Services aux entreprises, Québec International.
Présidente de la Table régionale de concertation en immigration de la Capitale-Nationale depuis 2010.

Cet article a été rédigé par Marie-Jules Bergeron, ancienne consultante Grisvert

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