Au pays de la terre sans arbre : le Mushuau-nipi

Avant de partir en vacances, les Grisvert on vous a souhaité un été « sauvage ». On vous a dit que pour nous un été « sauvage », ça voulait dire vivre au rythme de la nature, être en montagne ou sur le bord d’un feu, faire la sieste dans la tente, nager dans l’eau froide, courir, rouler sur des sentiers, jouer, créer et s’entourer des gens qu’on aime.

On l’a tous fait à notre façon, et on revient en force pour la rentrée. Évidemment, on est content de vous retrouver!

Comme on n’a pas besoin de prendre des vacances les uns des autres, même l’été 😉 Jean-Sebastien et moi on est parti en voyage avec une partie de sa famille et des bons amis pour
le Mushuau-nipi, « le pays de la terre sans arbre ».

Je vous partage ce que j’ai vécu. Un voyage qui a été inspirant à tout points de vue et qui pourra sans doute vous inspirer aussi.

« Les Amis du Mushuau-nipi ont été fondés en 2005 dans l’objectif de proposer un espace de dialogue différent et des activités tournées vers le partage culturel.

À l’origine, c’est l’entreprise Aventures Ashini, fondée par Serge Ashini Goupil (Innu), qui a établi un campement sur ce site traditionnellement occupé par sa Nation. En 2004, Jean-Philippe L. Messier et David Gilbert sont passés par ce campement durant l’expédition Odyssée Ungava, et la rencontre a fait naître l’idée de créer une organisation à but non lucratif et à vocation sociale qui allait devenir Les Amis du Mushuau-nipi.

Exploitant toujours le même campement, la nouvelle organisation utilise cet endroit particulièrement propice à inspirer la réflexion et la sincérité, à des fins de concertation entre les individus et les Nations, tant autochtones que non autochtones. Les questions du développement du Nitassinan, du lien avec le territoire et des relations entre le Québec et les Premières Nations y ont notamment été abordées.

Le site ancestral autochtone du Mushuau-nipi est situé en pleine toundra, sur la passe migratoire du troupeau de caribous de la Rivière George (56e parallèle), à 250 kilomètres au nord-est de Schefferville. »

http://www.mushuau-nipi.org/fr/notre-identite/

Un voyage au Mushuau-nipi, ça débute avant même d’arriver sur le site à Rivière George. Ça débute la veille, dans le train, en route vers Schefferville. L’esprit de gang qui se développe, la complicité aussi. On était 17 à partir pour l’installation du campement du 4 au 11 août dernier. Des profils variés, des adultes, une ado et des enfants. Tous l’esprit un peu aventurier, prêts à être dépaysés, à travailler fort de ses mains, faire preuve d’ingéniosité et surtout prêts à s’amuser.

Chacun ses forces, ses talents, son expérience, tous ont su trouver et prendre leur place sur le campement. Les tâches se sont réparties naturellement. Fabriquer les perches des tipis, monter les tentes cri, monter les Shaputuan, pêcher notre repas du midi, faire à manger pour la gang, couper du bois, assurer la gestion de l’eau. Bref, redonner vie au site.

On a vécu la vraie vie de campement, comme les nomades d’autrefois, mais avec un peu plus d’équipement. On a même eu accès à une douche dans un tipi sur le bord de la rivière. On a été chanceux!

Rapidement, l’esprit de communauté s’est créé et l’entraide s’est développée. « Peux-tu me donner un coup de main avec ça? », « Oui, je vais porter mon bac d’eau et j’arrive! » Tout le monde s’est mis en action autour d’un objectif commun. Le nôtre était d’installer le campement pour préparer l’arrivée des visiteurs et des chefs innus, la semaine suivante. Questions planétaires, enjeux politiques, sauvegarde du caribou et autres sont au menu des séminaires nordiques. Un rapport public produit par Grisvert et l’OBNL en 2011 est disponible ici.

Durant cette semaine d’installation, on n’a pas que travaillé. On a aussi fait des randonnées dans la toundra, on s’est baigné sur une plage nordique aux couleurs du sud. On a goûté à des petits fruits sauvages, mangé du caribou, fait de la banique (pain traditionnel innu), bu du thé du Labrador qu’on a cueilli nous-même sur place. On a vécu l’esprit de fête et de tradition sous les aurores boréales et autour du feu. Gin d’Ungava, bière de microbrasserie, vin, Chartreuse et Coureur des bois. On a bien mangé, bien bu, bien ri. On a aussi senti le rythme de vie ralentir. On a vécu au rythme de la nature. On s’est fait piqué pas mal aussi par les mouches qui étaient très présentes cette année, contrairement à l’habitude. Il a fait chaud pour un mois d’août dans le grand Nord québécois! Mais on a fini par en rire!

De retour à Montréal, j’ai repris un autre rythme de vie et je suis revenue du Mushuau-nipi avec des amitiés nouvelles et des connaissances que je n’avais pas sur la culture innue. J’ai le sentiment d’avoir fait un retour aux sources, de m’être rapprochée d’une partie de ma culture et d’avoir découvert le Québec autrement.

De retour au travail depuis lundi, j’ai pu faire des liens entre ce voyage et ce que je fais avec des groupes en consultation. Comme en organisation, sur un campement on doit :

  1. trouver et faire sa place, là où on se sent bien, où on sent qu’on peut contribuer et apprendre
  2. savoir faire avec un minimum de ressources pour éviter de gaspiller
  3. mettre son énergie aux bonnes places et connaître ses limites : penser efficacité
  4. explorer et défricher pour trouver des nouveaux chemins ou des nouvelles façons de faire quand les anciennes ne fonctionnent plus
  5. être débrouillard et oser « patenter » avec ce qu’on a sous la main
  6. être proactif et se responsabiliser pour atteindre ensemble l’objectif (s’auto-organiser)
  7. se donner des règles ou un code pour bien vivre ensemble

et enfin,

  1. penser plus grand que soi : répondre aux besoins du groupe en ne perdant pas de vue ses propres besoins

Au fond, sur un campement, comme en organisation, on doit faire preuve de créativité si on veut faire vivre nos projets et l’organisation elle-même. Ça nécessite de la collaboration et un leadership partagé. Il faut savoir s’adapter à son environnement et veiller au bien être de chacun.

On a beaucoup à ré(apprendre) de ce mode de vie je pense et de la culture innue, pour cultiver notre capacité à innover et à se réinventer quand c’est nécessaire.

Merci aux Amis du Mushuau-nipi pour cette expérience riche et humaine, que je vous souhaite à tous sincèrement de vivre!

Et vous, avez-vous eu un été « sauvage »?

Cet article a été écrit par Caroline Durand

Crédit photo : Mathieu Soares

 

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