Cette semaine, Nathalie Nowak d’Imfusio (Paris) nous a rendu rendue visite à Montréal. Elle et moi on s’est amusé à mettre en commun nos réflexions sur la transformation organisationnelle, car tout comme Imfusio, chez Grisvert on œuvre sous ce chapeau et ça prend de plus en plus de place dans nos démarches. Je vous partage donc le fruit de l’une de nos conversations théoriques… de fin de soirée!

Transformer quoi? Transformer qui et pour quoi?

Otto Scharmer, auteur de la Théorie U parle de transformation comme une façon de « passer d’un pouvoir individuel centralisé basé sur une hiérarchie et un contrôle, à un pouvoir collectif relationnel basé sur un dialogue ». Selon lui, la transformation permettrait aux individus de redécouvrir collectivement, grâce à une écoute et une attention « profonde », « empathique », et « générative », la profondeur des phénomènes qui touchent leurs organisations.

Chez ImFusio on pense que l’état de transformation est atteint lorsqu’on est passé par un premier repère partagé de pratiques et de comportements, qui va être bousculé autant sur le fond que sur la forme et qui va imposer des individus et des collectifs à faire des choix parmi ce qui existe déjà et qui est à renforcer, ce qui existe, mais qui est à laisser de côté et ce qui n’existe pas encore et qui est à créer.

C’est un état éphémère qui fait passer d’une phase d’endormissement sur son socle culturel et fonctionnel à une phase de réveil et d’éveil pour le régénérer. Comme le disait l’anthropologue Raymonde Caroll, réveiller les « évidences invisibles » auprès d’un certain nombre de contributeurs, permet de redonner de la lucidité et discerner les points d’appui dans son organisation. Scharmer parle « d’angles morts ». Comme quoi, ce qui est à retenir c’est d’être constamment en éveil pour « capter » le nouveau, le renouveau. La clé aujourd’hui c’est effectivement de ne pas « figer » les éléments, car le monde est dynamique, le monde est mouvement, le monde est instable.

Ce processus comprend donc une série d’actions, parmi laquelle on distingue des actions réfléchies (notamment celles qui impactent un plus grand nombre, plus collectives), d’actions spontanées (qui émanent d’une prise de conscience soudaine ou d’une fulgurance, plus souvent individuelle). Reliées les unes aux autres, ces actions prennent plusieurs chemins qui s’enchevêtrent et que le comité de pilotage aidera à accoucher vers une piste qui devient naturellement cohérente pour la majorité des acteurs.

Nous Grisvert, on pense que la transformation est liée à un apprentissage, qui est déjà une forme d’action. L’apprentissage passe par une prise de conscience individuelle et collective, un état d’éveil comme dirait Nath, qui s’accompagne d’une volonté d’engagement. On n’impose pas une transformation, elle s’impose d’elle-même et ne peut être forcée. L’apprentissage se fait quand on accepte de s’ouvrir, de voir différemment, de changer son regard, voire sa posture et qu’on arrive à laisser aller certains obstacles (ex. préjugés, peurs, croyances).

Il existe un lot de pratiques d’intelligence collective (ex. World Café, Forum ouvert, Cercle, etc.) que nous utilisons et qui facilitent l’ouverture, le lâcher-prise, le dialogue et la collaboration. Cela est rendu possible quand les individus parviennent à une écoute, à un respect et à un cheminement commun. Le dialogue au cœur de ces pratiques invite à ralentir la pensée et à réfléchir à des questions profondes, significatives. Une fois le dialogue instauré, les interlocuteurs devraient pouvoir faire l’expérience d’une mutuelle compréhension de leurs réalités organisationnelles et être prêts à œuvrer de façon collective à un même but, c’est-à-dire à collaborer.

On pense donc que l’intelligence collective sert la transformation. Par contre, la transformation n’est pas une fin en soi. Ce n’est pas une ligne d’arrivée. C’est une dynamique, une sorte d’engrenage (mais pas mécanique, organique).

Nous Imfusio ajoutons que c’est une posture volontaire d’apprentissage qui permet de s’ouvrir à des possibles et qui va engager l’individu ou un collectif d’individus dans des actions et des gestes différents des habitudes. Ce fonctionnement permet d’actionner des pas, qui vont peu à peu se formaliser en habitudes et qui vont trouver leur place dans une forme de normalité.

Transformation ou changement? C’est quoi la différence?

Tout est en perpétuel changement. Le vivant, les objets, les relations. Le changement est un état (qui n’est pas fixe). Le changement, ça fait partie de nous, des organisations, ça fait partie de nos relations qui évoluent continuellement. Le changement, il faut apprendre à naviguer avec, apprendre à lâcher prise sur ce qu’on ne peut contrôler.

La transformation, ça va un cran plus loin. C’est un processus tout aussi imprévisible, mais dans lequel on s’engage à passer et au travers lequel on se donne des conditions (ex. espace, temps, pratiques) pour passer d’un état initial à un autre.

La transformation va un cran plus loin parce qu’elle ne dépend pas que de soi… Nos actions s’enchevêtrent à celles des autres et ensemble cela donne un état différent encore.

Une série de changements peut conduire à une transformation. Les deux sont interdépendants.  C’est le passage d’un état dit « ordinaire » ou normal à un état différent, souvent dérangeant – hors norme ou anormal, qui enfin repasse dans un état normal qui qualifie la transformation.

Nath et moi aimerions mettre au défi toutes celles et ceux qui arrivent à cartographier des transformations pour vrai… La vision d’un individu est parcellaire, mais celle de plusieurs est systémique.

En toute humilité, on y arrive pas chaque fois, ni dans chacun de nos mandats. Par contre, on ouvre des brèches, on sème, on récolte et on continue d’avancer. On ne perd pas de vue l’intention. Si on s’éloigne, on se ramène à l’essentiel et on garde toujours en tête que la transformation est un processus, parfois long, sinueux, mais au combien riche et profitable à ceux qui acceptent de s’y aventurer.

Si vous avez envie d’étirer la pause théorique, l’ouvrage Théorie U – Changement émergent et innovation (Isabelle Mahy et Paule Carle) est une belle lecture critique des théories du changement et de la transformation. Caroline y a contribué par l’écriture d’un chapitre.

En attendant, Julie et Étienne, co-faciliteront dans deux semaines un atelier de formation sur la transformation organisationnelle pour des conseillers en management. On vous tient au courant!

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